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Raymond Depardon dans les jardins de l'Elysée. (Photo Raymond Depardon.
Magnum. La documentation française)
Interview Le portrait officiel du nouveau chef de l'Etat, réalisé par Raymond Depardon, vient d'être révélé. Libération a demandé à des photographes leur sentiment.
C'est dans la boite. Réalisée par Raymond
Depardon, la photographie officielle du nouveau président a été révêlée
aujourd'hui. Libération a sondé plusieurs portraitistes pour qu'ils
livrent leur sentiment sur cette commande imposée et très formatée et en
apparence très codifiée dans le rituel républicain français. Voici leur
verdict.
Samuel Kirszenbaum : «Un entre-deux»
«François Hollande ne veut visiblement pas se mettre en scène. Ni lui
ni sa fonction. Il est pris dans un entre-deux, cet entre-deux si cher à
Lise Sarfati. Comme si, au milieu d’une action, le photographe aurait
crié : «Stop ! On fige !» Hollande, comme beaucoup de personnes dont on
réalise le portrait, ne sait pas quoi faire de ses mains. Depardon n’a
peut-être pas pas voulu, ou osé, le diriger. Souvent dans le portrait,
on considère que deux parties du corps veulent tout dire : les yeux et
les mains. Ici, les yeux ne regardent pas franchement le photographe, on
aura donc droit à un regard un peu off, hors-champ. Les mains sont là,
maladroites, comme celles d’un petit garçon qui n’est pas à sa place.
Aussi son costume «plisse» car il est peut-être très légèrement trop
court pour lui. Enfin, les deux pieds ne sont pas au même niveau, comme
s’il était sur un dénivelé. Résultat: les épaules, les bras et donc les
mains contribuent à cette posture inhabituelle pour un chef d’Etat.»
Richard Dumas: «Une photo de famille»
«C'est une photo épatante. Du Depardon à son meilleur, dont pourtant,
je ne suis pas forcément fan. On ne peut pas faire plus simple et, en
même temps, plus complexe. C'est un mélange d'un Elysée rendu à une
simple demeure, et d'une touche de couleur très aérienne des drapeaux
français et européen, qui, seule, donne à la photo une raison de ne pas
être en noir et blanc. L'autre photographie officielle prise dans le
jardin de l'Elysée, celle de Jacques Chirac par Bettina Rheims, était
trop corsetée. Si celle-là est réussie, c'est qu'elle s'affranchit un
peu des codes et ressemble à une photo de famille.
Léa Crespi : «Un décadrage subtil»
«C'est pas mal, non? Elle est assez légère. Autant celle de Sarkozy
[prise par Philippe Warrin, photoreporter et photographe et de la Star
academy, ndlr] était empruntée, comme tenue par des ficelles, autant
celle-ci est plus élégante. Le format carré, que je n'aime pas beaucoup,
force à travailler avec le centre. Il y a un décadrage subtil, aucune
arrogance dans l'image.»
Bruno Charoy : «Une réception de Relais & Chateaux»
«François Hollande a un visage bonhomme et rassurant, mais un bras
plus long que l’autre. Si la surexposition peut parfois fonctionner,
elle s'avère, là, plutôt moche. On croirait le nouveau président de la
République posé un peu par erreur sur la pelouse, comme s'il arrivait à
la réception annuelle de Relais & Chateaux, et ne savait pas trop à
qui dire bonjour... A l'arrivée, je trouve ça plutôt marrant comme
image. Elle détrônera facilement le bureau de nos maires des portraits
ultramonarchiques de ses prédécesseurs. L'idée, voulue, pensée, puis
validée, est donc plutôt une réussite pour leurs concepteurs et leurs
réalisateurs.»
Fred Kihn: «Tellement normal»
«Il manque un filet à papillon à François Hollande. La photographie
est tellement simple, tellement neutre, tellement normale... La seule
chose à retenir, c'est le drapeau européen qui me semble symboliser
quelque chose d'important pour l'avenir. C'est compliqué de faire une
photo officielle. La seule réussie, c'était celle de Valéry Giscard
d'Estaing par Jacques-Henry Lartigues, qui témoignait, alors, d'une
certaine modernité».
Edouard Caupeil↓: «Les manches dépassent toujours»
«C’est une photo tout à fait normale, assez élégante. Elle tient à la
position de Hollande par rapport au Chateau de l'Elysée et la distance
du photographe au sujet. J’aime aussi ses mains, les manches dépassent
toujours. Cela change de Sarkozy.»
Patrick Swirc : «Moins posé, moins académique»
«Je la trouve pas mal. C’est un portrait moins posé, moins académique
que les précédents. Il est assez efficace, avec un format carré qui
revient en force, très à la mode. C’est une image élégante qui tient
beaucoup aux mains du président. Elle me rappelle la photo de VGE par
Lartigue.»